dimanche 12 juillet 2009

Au bout de chaque jalousie

Ce n'est pas tellement le billet d'Agnès qui m'a fait réfléchir, puisque pour l'essentiel, réfléchir, c'est hors de ma portée. Exposant que nos comportements sont déterminés par le contexte dans lequel nous vivons, que celui-ci vienne à changer brutalement et c'est une part de nous-mêmes - et pas toujours, voire rarement la plus jolie-jolie...- qui viendra brusquement se révéler. Ce qui au passage ventile façon puzzle toutes les sottes théorisations sur l'Homme Nouveau qu'il serait possible d'atteindre à grands coups de goulags et de petits massacres joyeux. L'Homme Nouveau, ça n'est pas possible. Il y a des personnes, vous, moi, Olivier Besancenot, ah non pas lui, c'est un bulot, mais bon bref vous saisissez, qui vivent dans des endroits et des circonstances précises, et c'est avant tout ce contexte qui va déterminer ce que nous allons penser et agir. Ici, je pourrai placer une remarque sur les flocons de neige parce que, comme tout adulescent boutonneux, je suis un fan de Fight Club que j'analyse péniblement au premier degré et encore. Mais bref. Revenons à nos moutons.

Non, ce qui m'a rendu perplexe, c'est mon propre billet, dans lequel je m'étonne de ce qu'on puisse écrire :

"je le sais, je ne pourrais jamais sombrer dans la barbarie".


Franchement ?

Je veux dire : vraiment ?...

Parce que pour ma part, peut-être suis-je plus pessimiste sur la "nature" humaine, ou plus lucide vis-à-vis de moi-même, mais pas une seule seconde je ne doute de me métamorphoser en collabo zélé si les circonstances m'y poussent...

Ça pourrait s'appeler le moment de vérité. Ce moment où l'on choisit de tuer pour ses idées, aussi idiotes soit-elles, parce que l'autre ne pense pas comme vous, ou, plus pragmatiquement, qu'il a plus que vous. De diplôme, d'argent, de chance, de sexe...

Et il se trouve que je sais très exactement ce qu'il y a au bout de ma jalousie.

J'aime beaucoup Butch. C'est un ami très proche, mon meilleur, mon seul sans aucun doute. J'ai peu de moyen et c'est un ami d'occasion. Une seconde main, en quelque sorte. Avant, il était avec ce garçon, pas vraiment méchant mais franchement instable, et au bout d'une relation tumultueuse, avait enfin fini par jeter l'éponge, devant l'impossibilité de donner quelque chose à quelqu'un qui n'en voulait pas.

Ce qu'il a très mal pris. Pas Butch. L'autre.

Suivez, quoi.

Menaces, coups de fils à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, harcèlement, agressivité pleurnicharde promettant une vengeance sanglante, la grande classe. Commissariat, dépôt de plainte, convocation, re-harcèlement, re-menaces, bref : Butch était proprement terrorisé.

Je n'aime pas quand il est comme ça.
Ça me fait mal.
Ça fait hurler des choses en moi.
Ces choses qu'on a tous au fond de soi et dont on ne maîtrise pas toujours la quantité.

Escherichia coli.

Et un soir, à force de hurler, ça a fini par dégénérer, au milieu d'un bar.
Il a fallu qu'ils s'y mettent à quatre, dont deux piliers de rugby, pour nettoyer les traces que j'ai laissées dans les toilettes.

L'épisode est authentique, je peux fournir des témoins. C'était il y a quoi ? Un an ? Et je suis certain que toutes les personnes dans le bar se souviennent encore de cet épisode...

L'odeur, notamment.

Je n'ai pas "pété".
J'ai simplement ... relâché les sphincters, disons.
Je n'ai pas même été surpris par ce qui s'est passé.
Je sais ce qu'il y a au bout de ma jalousie, au bout de ma folie, au bout de mes angoisses.
Et la seule chose que je regrette de cet épisode, c'est qu'il se soient trouvé des gens suffisamment vigoureux pour m'empêche de terminer ma petite affaire.

Alors vous êtes à l'évidence choqués, n'est-ce pas, par autant de vulgarité assumée. Vous vous dites que jamais, au grand jamais, vous ne pourriez vous comporter de cette façon. Puisque c'est vrai, vous êtes propres et pudiques. Vous avez la présence d'esprit de vous laver les mains correctement avant et après popo. Comme moi.

Ah. Ah. Ah.

Soyons sérieux, voulez-vous ?
Oui. Je sais. Je suis en train de trouver des excuses plus ou moins bidon pour expliquer mes pulsions meurtrières, ma propension naturelle à parler de mon zizi ou de mes problèmes gastriques sur internet. Ou de mon cul.

Je suis comme ça. Il faut juste appuyer sur les bons boutons au bon moment, et vous aussi, vous constaterez horrifiés que je suis reparti pour un tour.

Mais en réalité, aucune masse de culture n'enlèvera cette triste constatation : je suis une brute sanguinaire et vulgaire. Je ne comprends pas que ma vie ne soit qu'une longue succession d'emmerdes et de vexations alors que je fais tout pour.

J'aime me laisser aller à mes bas instincts et j'utilise l'excuse du contexte. Ce n'est pas moi, c'est la société. Ce n'est pas moi, c'est le patron. Ce n'est pas moi, c'est l'autre qui a commencé. Il a dit des méchancetés à moi, à Butch, à quelqu'un. Il n'aime pas les communistes. Alors je cogne.

C'est important de le savoir. C'est même très important, puisque le sachant, je suis déjà débarrassé d'un bon paquet d'illusions sur moi-même. C'est un petit progrès, puisque je passe alors d'un stade colérique à un stade colérique analytique. Je reste un gamin capricieux qui veut former le monde à ses désidératas plutôt que m'adapter. Je continue d'être un rebelle de Prisunic, mais c'est une étape indispensable. D'une. Et d'autre part, je peux du coup tenter de prendre du recul en étant conscient de ce que je crois être capable de faire. Parce que le self-control, normalement, ça s'apprend jeune et que moi, ce n'est toujours pas rentré. Alors j'essaye de me dominer. Essayer. Limiter les dégâts, quoi.

En réalité, je sais qu'un jour j'irai trop loin. Bien plus loin que voter NPA et voter, mettons... Front de Gauche.

Cela étant dit, rassurez-vous : on peut très bien être parfaitement conscient de ce qu'il en est, et l'assumer. Regardez-moi : dans d'autres circonstances historiques, dans des contextes différents, je ne doute pas une seule seconde de pouvoir devenir un personnage parfaitement normal.

Mais bon. Tout le monde n'a pas eu la "chance" d'avoir des parents communistes. Alors bon, je me contente d'être un blogueur pitoyable.

3 commentaires:

Anonyme 13 juillet 2009 à 09:07  

Je ne sais pas qui est derrière cette parodie, mais je vous en prie, continuez car c'est franchement énorme ! C'est presque aussi drôle que l'original :D

Comité de Sévice Public 13 juillet 2009 à 12:09  

Nous comptons continuer.

Faites tourner :) !

Anonyme 13 juillet 2009 à 16:13  

Merci, c'est savoureux. Continuez, je suis fan.

L'autre, sur son blob, a l'air d'apprécier aussi. Il se sent obligé de péter carrément les plombs et dévoile à son public ahuri sa vrai nature de clown facho en bottes. En fait il veut tout faire péter maintenant :

http://comite-de-salut-public.blogspot.com/2009/07/mais-faites-le-putain.html

Voilà un vrai blog d'intérêt public.

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