Quelques fessées à Port Leucate
Il m'a laissé seul dans notre radieuse cité, comme un préservatif usagé, entouré de racailles qui n'arrêtent pas de roder autour de l'appart. En plus il y a pénurie de shit en ce moment, ça les rend nerveux. Il a emmené son nounours, son nounours spécial, celui qui correspond le mieux, dit-il, à son besoin de "tendresse".
Je tue le temps en regardant ses films préférés : Soviet Story, un docu sur les aventures du Che dans la jungle, et Les Dieux du Stade de Leni Riefenstahl.
Thierry m'a promis qu'il reviendrait encore plus dur, le torse bombé et les muscles plus saillants. Mais connaissant son appétit de corps virils, je ne me fais pas d'illusion. Je crois qu'il espère emballer velu à Port Leucate. L'année dernière, il était surtout revenu le cul tout rouge des concours de claques sur les fesses, mais à en juger par ce qu'il m'avait mis à son retour, j'en avais rapidement déduit que ses plans n'avaient pas fonctionné exactement comme il l'avait souhaité.
Bref.
Je profite donc quelques jours d'une relative tranquillité pour prendre du recul. Ca compte, le recul dans une relation aussi passionnée qu'engagée.
Ca permet, notamment de cicatriser, et de renouer le contact avec des voisins d'immeuble passablement agacés par le bruit de nos ébats amoureux. Ils ne comprennent pas forcément la profondeur idéologique de nos pratiques alternatives, la quête du cri unitaire, ni la recherche d'une identité sexuelle vraiment subversive. Thierry avait évoqué nos frasques mouvementées dans un précédent billet habité.
En fait, vivre dans ce genre d'endroit le rend assez dépressif, c'est pourquoi il passe régulièrement ses frustrations en imaginant de nouveaux Sévices Publics sur son blog ultra-communiste, dont la réputation de musée des horreurs attire certains désespérés nostalgiques du Grand Bond en arrière, mais ignorant que le secret de son excitation se trouve (au mieux) dans le renouvellement de sa cargaison variée de sex-toys, ou (au pire) en me tapant dessus.
Ensuite, une fois son besoin de faire l'intéressant assouvi en singeant le style de Gérard de Villiers, il retombe dans un profond abattement, et reste immobile pendant des heures, prostré sur son vieux fauteuil déglingué, lascif, à lire ses anciens numéros de Pif en buvant de la 8.6, et en rêvant au Grand Soir.
Quelque part, il sait que ces fables humides de militant aigri sont une sorte de point de fuite à l'horizon qui permet de supporter l'ennui d'un quotidien médiocre, grâce à l'espé-rance en trompe l'oeil de lendemains meilleurs dont il serait l'héroïque soldat. Mais ces accès de lucidité, heureusement, ne durent pas longtemps: en abuser menacerait notre couple.
Croire en la révolution...c'est déjà un vaste programme.
Tromper l'ennui, le bras tendu vers la mission du Parti pour guider les masses sur la route d'un Destin glorieux...ou en tout cas, maintenir l'illusion, fragile, veiller sur la flamme.
Y croire...c'est une question de survie.
Avec un peu de bon sens on cromprend l'importance pour son personnage de sans culotte, raccourcisseur précoce répondant au nom de code CSP, de ne pas sombrer dans la déprime banlieusarde inhérente à la langueur des mois d'août, en allant se ressourcer dans les camps festifs & citoyens du NPA, milieu propice pour fraterniser avec les camarades. Communier, se rassurer dans la certitude du groupe, transmettre la flamme aux impétrants, le Message Collectif trempé dans une pureté identitaire vigilante. Remettre les déviants dans le droit chemin par des séances d'autocritiques appliquées. Se forger une conscience de classe à l'épreuve du doute: voilà une discipline acquise grâce à une belle promiscuité militante.
Ma position d'attente permet aussi de se tenir au courant des petites fêtes que donnent les amis de Thierry pendant qu'il a le dos tourné.
J'ai appris ainsi que le "N"PA a organisé une petite fête politique, en proposant un menu spécial Cochon Grillé - ça change du bourgeois, qui est de moins en moins gras actuellement, crise oblige . Cette histoire de cochon, ça me rappelle des choses. Comme quoi, on est tous le facho de quelqu'un à ce rythme.
A la réflexion, heureusement que Thierry n'a pas pu se rendre dans cette petite sauterie. Son foie finira par ne pas tenir le coup. C'est qu'il a de la descente !
Comprenez aussi que pour se mettre la tête en vrac méchant avec des Monacos, ça suppose une capacité d'absorption hors du commun, un kro-ventre en conséquence et une vessie en acier zingué.
Alors bon, éviter ce genre de sorties, pour Thierry, c'est pas simplement souhaitable sur le plan intellectuel (il faut qu'il sorte un peu de sa petite boucle mentale Moi / Mon Zizi / Le Parti). Ca l'est aussi sur le plan médical.
Parce qu'au départ, il s'agit toujours d'une petite rencontre sympathique entre lunatiques de la gauche de la gauche, comme ils disent...
Mais rapidement, et alors que se succèdent dans d'improbables concerts improvisés d'éternels étudiants dreadlockés qui puent la mauvaise bière bon marché pour brailler des tubes de la chanson communisto-franchouille comme les affectionne tout particulièrement Thierry, l'ambiance déjà peu studieuse du départ change pour faire place à toute la lucidité moyenne dont une troupe de gens bourrés comme des coings est capable de faire preuve.
Vous voulez une preuve ? Lisez, sans rire, le programme du "N"PA, à tête reposée, et vous verrez bien qu'il ne manque à ce nom de parti qu'un D et un S, et ils auront le quinté.
Dans le désordre. C'est le mieux qu'ils puissent faire, hein.
En fait, j'ai depuis bien longtemps compris que Thierry, quand il va dans ce genre de "fêtes", cherche surtout un prétexte pour oublier sa condition de loser terriblement banal en se beurrant comme un BN. Il faut bien comprendre que lorsque ses potes et lui parlent de refaire le monde sur le mode Socialisme du XXIè siècle - comprenne qui pourra, hein - ils sont surtout en train de retrouver en groupe pour se bourrer la gueule et écouter des groupes de rock paysan dégénéré. Ca va pas plus loin.
Et port Leucate, c'est la version Youkaïdi du pendant youkaïda des fêtes au cochon du "N"PA.
Et il ne m'emmène jamais.
Snif.
Quel bâtard.
1 commentaires:
Prendre du recul avant de se la re-prendre dans le re-cul. Allez, plus que quelques jours à tenir.
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